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Thrombopénie chez les patients souffrant d’hépatopathies chroniques 

Une thrombopénie est une diminution du nombre de plaquettes (thrombocytes) en dessous de la limite de la normale. Celle-ci est généralement fixée à environ 150.000 par microlitre (µl) de sang. Dans la mesure où les thrombocytes jouent un rôle prépondérant dans la coagulation du sang, un manque de ces cellules sanguines peut, en fonction de son degré de sévérité, conduire à une tendance accrue aux saignements.2,3,4

Les thrombopénies surviennent souvent en association avec des hépatopathies chroniques.1,3,4,5

Qu’entend-on par hépatopathie chronique (HPC)?

Par hépatopathie chronique, on entend une détérioration progressive des fonctions du foie depuis plus de 6 mois. Ces fonctions incluent entre autres la production des facteurs de coagulation et d’autres protéines, la détoxification des produits du métabolisme nocifs et la production de bile. Une hépatopathie chronique désigne un processus progressif et continu d’inflammation et de transformation du tissu hépatique qui assure ces fonctions. Cela conduit à une prolifération pathologique du tissu conjonctif (fibrose) et, au stade terminal, à une cirrhose, qui est associée à un durcissement et à une réduction du tissu et, finalement, à une perte de fonction des cellules du foie.6

L’apparition et les causes d’une hépatopathie chronique sont diverses. Elles incluent des intoxications, l’abus d’alcool sur une longue période, des infections virales chroniques (hépatite virale), des maladies auto-immunes ainsi que des maladies génétiques ou métaboliques.6

Fréquence

Les hépatopathies chroniques sont répandues et représentent l’une des causes de décès les plus fréquentes, en particulier dans les pays industrialisés. Cependant, il n’existe pas de données précises relatives à la fréquence des hépatopathies chroniques en général. Les données varient entre autres en fonction des définitions utilisées, des groupes d’âge et du sexe, ainsi qu’en fonction de la répartition des maladies sous-jacentes (en particulier hépatite virale, obésité) et de la consommation d’alcool dans la population.6,7

Symptômes et complications

Le tableau clinique d’une hépatopathie chronique peut être non spécifique ou mettre en évidence un lien avec des complications, qui surviennent au cours de l’évolution de la maladie. Les symptômes non spécifiques sont par exemple la fatigue/l’épuisement, la perte d’appétit et la perte de poids.6

En cas de lésion hépatique chronique où la perte de fonction ne peut plus être compensée, on observe souvent le développement de complications caractéristiques s’accompagnant d’autres séquelles.6

Une perte de fonction des cellules du foie conduit à un jaunissement (ictère) de la peau, des muqueuses et de la partie blanche des yeux (sclérotique). Sa cause est le dépôt de bilirubine, un pigment biliaire, qui est un produit de dégradation de l’hémoglobine, le pigment du sang.6

L’hypertension portale désigne l’augmentation, au-delà de la normale, de la pression sanguine dans la veine porte. La veine porte est un vaisseau sanguin rassemblant le sang provenant de l’estomac, des intestins, du pancréas et de la rate, pour ensuite rejoindre le foie. À cet endroit, les nutriments (mais aussi les éventuelles substances toxiques) provenant des organes de la digestion sont dégradés avant de rejoindre la veine cave et la circulation sanguine générale. En cas de cirrhose hépatique, on observe une stagnation du sang dans le foie et la veine porte. Le sang provenant des organes abdominaux ne peut plus suivre son chemin normal qui passe par la veine porte et le foie pour rejoindre la circulation sanguine. Il est donc dévié et passe par d’autres vaisseaux. Les déviations qui sont utilisées sont principalement les veines de l’œsophage et des parois abdominale et thoracique. En raison de l'augmentation du flux sanguin, le diamètre de ces vaisseaux augmente. Dans l’œsophage, ces modifications sont appelées varices œsophagiennes. Mais d’autres organes abdominaux subissent eux aussi des modifications en raison de l’hypertension portale. Ainsi, on observe par exemple une hypertrophie de la rate (splénomégalie, hypersplénisme) ou une fuite de liquide dans la cavité abdominale (ascite).6

Une autre conséquence possible d’une hépatopathie chronique avec hypertension portale est une perturbation du fonctionnement du cerveau, appelée encéphalopathie hépatique. Celle-ci survient lorsque le foie n’est plus en mesure de détoxiquer suffisamment le sang. Ainsi s’accumule dans le sang une quantité croissante de produits du métabolisme, qui peuvent endommager le cerveau.6

Le développement d’un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire) est une complication possible de la cirrhose hépatique. Les patients souffrant d’une hépatopathie chronique en raison d’une hépatite virale ou d’une cirrhose hépatique liée à l’alcool présentent un risque particulièrement élevé, en particulier lorsqu’ils ne sont pas (suffisamment) traités.6,9

Diagnostic 

Le diagnostic et le contrôle de l’évolution d’une hépatopathie chronique dépendent de sa cause et de ses éventuelles complications. Outre un recueil détaillé des antécédents médicaux (anamnèse) et un examen physique, ils comprennent une série d’analyses biologiques et d’examens d’imagerie (notamment échographie, tomodensitométrie), et éventuellement une endoscopie et le prélèvement et l’analyse de tissu hépatique (biopsie).6

Traitement

En cas d’hépatopathie chronique, l’objectif du traitement est d’arrêter la progression et d’éviter les complications. Cela implique de supprimer autant que possible les causes sous-jacentes (p. ex. abstinence en cas d’abus d’alcool) ou de traiter les pathologies sous-jacentes (p. ex. hépatite virale).6

Diminution de la production de thrombopoïétine en cas d’HPC

Les causes et l’apparition d’une thrombopénie en cas d’hépatopathie chronique sont diverses. Elles peuvent être grossièrement divisées en:

  • une réduction de la production des plaquettes
  • une augmentation de la dégradation des plaquettes2,3,4

La réduction de la vitesse de production des plaquettes en cas d’hépatopathie chronique est en premier lieu provoquée par une concentration réduite du facteur de croissance appelé thrombopoïétine (TPO). Ce facteur est principalement produit dans le foie et sa disponibilité est donc limitée en cas de lésions des cellules hépatiques. Il régule la production des thrombocytes (thrombocytopoïèse) ainsi que leur maturation dans la moelle osseuse. Ainsi, si la concentration en TPO est réduite, le nombre de plaquettes produites diminue. Les observations faites chez des patients ayant bénéficié d’une greffe de foie montrent que la restauration de cellules hépatiques fonctionnelles conduit à une augmentation aussi bien du taux de TPO que de la numération plaquettaire.2,3,4

Une autre explication pour la diminution de la production des thrombocytes en cas d’hépatopathie chronique est une suppression directe de la fonction de la moelle osseuse (myélosuppression), par exemple en raison d’un abus d’alcool, d’une infection virale (p. ex. hépatite C) ou autre non traitée, de la prise de médicaments ou d’une dénutrition.2,3,4

Une deuxième cause importante de thrombopénie en cas d’hépatopathie chronique est une dégradation accrue des plaquettes circulant dans le sang. Celle-ci est en partie due à l’hypertrophie de la rate, où les thrombocytes sont retirés de la circulation sanguine avant d’être dégradés. L’hypertrophie de la rate est la conséquence d’une pression accrue dans la veine porte (hypertension portale). En cas d’hépatopathie chronique due à une cirrhose ou à une maladie auto-immune, la destruction accrue des plaquettes est également provoquée par divers mécanismes immunologiques. Dans ce cas, les auto-anticorps dirigés contre les thrombocytes jouent souvent un rôle.2,3,4

Fréquence de la thrombopénie en cas d’HPC

Il n’existe pas de données recueillies de manière systématique pour la fréquence (prévalence) de la thrombopénie en cas d’hépatopathie chronique. Les chiffres varient en fonction de différents facteurs, tels que le groupe de patients, la définition utilisée ainsi que le type et le degré de sévérité de l’hépatopathie sous-jacente.1

Chez les patients atteints d’une cirrhose hépatique, la thrombopénie est bien plus fréquente que chez les patients qui n’en sont pas atteints: selon des données en provenance des États-Unis, environ 6 % des patients sans cirrhose et 64 % des patients présentant une cirrhose sont concernés.4,5,10 D’autres études ont montré que la fréquence peut atteindre 76 % chez les patients atteints d’une cirrhose.11

Symptômes de la thrombopénie en cas d’HPC

Les signes de saignement de la peau et des muqueuses sont caractéristiques d’une thrombopénie prononcée. On observe typiquement des saignements en forme de points (pétéchies), principalement sur les jambes, des saignements de nez (épistaxis), des saignements des gencives, une tendance à la formation d’hématomes ainsi que, chez les femmes, des règles plus abondantes et des saignements entre les règles.1

Les patients souffrant d’une thrombopénie présentent un risque accru de complications hémorragiques en cas de procédures diagnostiques (p. ex. endoscopie, biopsie hépatique) ou d’interventions chirurgicales. Or, chez les patients atteints de cirrhose hépatique, de telles interventions sont relativement souvent nécessaires en raison de cette pathologie.3

La thrombopénie peut être le premier résultat d’analyse biologique anormal indiquant un trouble de la fonction hépatique. Son ampleur présente une corrélation aussi bien avec le degré de sévérité de l’hépatopathie qu’avec l’évolution à long terme de la maladie.3

Évolution de la thrombopénie en cas d’HPC

L’évolution d’une thrombopénie en cas d’hépatopathie chronique dépend du type, de la cause et de l’évolution de l’hépatopathie chronique sous-jacente, ainsi que des autres maladies (comorbidités) éventuellement présentes. Avec l’âge, le risque de saignements sévères et menaçant le pronostic vital augmente, car les vaisseaux perdent en élasticité. Les comorbidités telles que l’hypertension, le sepsis ou d’autres troubles de la coagulation peuvent encore majorer ce risque. Cela est également valable pour les médicaments qui inhibent la coagulation du sang (appelés inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire et anticoagulants).1

Diagnostic de la thrombopénie en cas d’HPC

Le diagnostic de thrombopénie est posé grâce à une analyse sanguine qui permet de compter les cellules sanguines (numération sanguine). Si sa cause n’est pas encore connue, des analyses complémentaires peuvent apporter une explication.

La thrombopénie est le plus souvent définie comme un nombre de plaquettes inférieur à 150.000 cellules par microlitre (µl) de sang. Celle-ci est souvent subdivisée en différents degrés de sévérité, soit en fonction de la numération plaquettaire, soit en fonction du type et de la sévérité des saignements qui surviennent. Cependant, ces subdivisions ne sont pas les mêmes partout.1,3,4

En cas de présence d’une hépatopathie chronique, la thrombopénie n’est qu’un élément parmi de nombreux symptômes et résultats d’analyses anormaux. Elle est alors généralement le signe d’une pression sanguine accrue dans la veine porte (hypertension portale) ainsi que d’une hypertrophie de la rate (splénomégalie). Chez les patients présentant une cirrhose, l’ampleur de la thrombopénie apporte très tôt des indications sur l’évolution future et l’issue (pronostic) de la maladie.3,4,12

Options thérapeutiques de la thrombopénie en cas d’HPC

Le traitement d’une thrombopénie en cas d’hépatopathie chronique dépend de l’apparition et du degré de sévérité ainsi que de la cause et du type de l’hépatopathie chronique sous-jacente, mais aussi des particularités individuelles et des facteurs de risque du patient (p. ex. comorbidités, médicaments).

Il n’est pas toujours nécessaire de traiter une thrombopénie. Les formes peu prononcées (> 75.000 - 150.000/µl) ne nécessitent généralement pas de traitement. Toutefois, il convient de contrôler régulièrement la numération sanguine et la fonction hépatique. En cas de thrombopénie modérée (entre 50.000 et 100.000/µl) à sévère (< 50.000/µl), un traitement est nécessaire en cas d’interventions chirurgicales et de saignements. En fonction du risque de saignement, la numération plaquettaire doit être augmentée pour atteindre au moins 50.000 à 100.000 par µl.3,5

Il existe essentiellement deux manières d’augmenter la numération plaquettaire avant une intervention chirurgicale programmée: une transfusion de plaquettes ou une prise de médicaments que l’on appelle agonistes du récepteur de la thrombopoïétine.1,3

  • Les agonistes du récepteur de la thrombopoïétine (AR-TPO) exercent une action directe sur la formation des thrombocytes et de leurs précurseurs en imitant l’effet de la thrombopoïétine (TPO), l’hormone sécrétée par le corps (endogène). En raison de son profil de sécurité et d’efficacité avancé, un nouveau représentant de cette classe de principes actifs a été autorisé en tant que premier AR-TPO destiné à être utilisé dans cette indication. Ce médicament se prend sous la forme de comprimés et permet d’augmenter la numération plaquettaire de manière durable même sur un laps de temps plus long, afin de pouvoir réaliser en toute sécurité des interventions programmées.
  • Une autre possibilité est la transfusion de thrombocytes de donneurs. Elle permet certes d’augmenter très rapidement à court terme la numération plaquettaire, mais elle est associée à un éventail de risques (notamment fièvre, infections, réactions d’hypersensibilité) ainsi qu’à des difficultés logistiques (surveillance du patient dans une clinique/un centre, disponibilité à temps de concentrés de plaquettes adaptés, prise d’un rendez-vous, stockage et conservation des concentrés de plaquettes).1,3,13

     

Références

1. Kreuzer K-A, Gattermann N, Gebhart J et al. Onkopedia Leitlinie Thrombozytopenie. Stand: Aug. 2019. Online verfügbar unter: https://www.onkopedia.com/de/onkopedia/guidelines/thrombozytopenien/@@guideline/html/index.html. Letzter Zugriff am 11. Juli 2024 
2. Mitchell O, Feldman DM, Diakow M et al. Hepatic Med 2016; 8: 39–50 
3. Nilles KM, Flamm SL. Clin Liver Dis 2020; 24: 437–451 
4. Peck-Radosavljevic M. Liver International 2017; 37: 778–793 
5. Saab S, Brown RS. Digestive Dis Sci 2019; 64: 2757–2768 
6. Sharma A, Nagalli S. Chronic Liver Disease. [Updated 2020 Jul 5]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2020 Jan. Online verfügbar unter: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK554597/ Letzter Zugriff am 11. Juli 2024 
7. Pimpin L et al. J Hepatol 2018; 69: 718–735 
9. Wiegand J, Berg T. Dtsch Arztebl Int 2013; 110(6): 85–91 
10. Bashour FN et al. Am J Gastroenterol 2000;95 (10): 2936-9 
11. Afdhal N et al. J Hepatol 2008; 48: 1000-1007 
12. Moore AH. Clin Liver Dis 2019; 14 (5): 183-186 
13. Querschnitts-Leitlinien (BÄK) zur Therapie mit Blutkomponenten und Plasmaderivaten. 4. Überarbeitete und aktualisierte Auflage 2014. Online verfügbar unter: https://www.bundesaerztekammer.de/fileadmin/user_upload/downloads/QLL_Haemotherapie_2014.pdf Letzter Zugriff am
11. Juli 2024